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La dent lui mord et l’ongle lui sillonne
Son corps qui saigne ; et le ventre bouillonne,
Dans l’infernal torrent de volupté.
Encore page, encore une caresse
Opiniâtre à ta folle maîtresse !
Encore à son avide nudité
Le fou baiser et la broyante ivresse !


Les corps enlacés
Se frappent.
Les baisers pressés
S’échappent.
Entends-tu les dents
Qui claquent,
Les soupirs stridents ;
Les membres ardents
Qui craquent ?


Par les chemins verts ils s’en sont allés.
Ils ont franchi les prés bariolés,
Ils ont fui sous la ramure argentine,
Le front cinglé de branches de lilas,
Écrasant les blancs halliers d’églantine,
Effarouchant l’oiselet qui butine.
Dans la lumière, ils vont baignés d’éclats.
Enveloppés des aromes des herbes.
L’enfant toujours presse les chairs superbes.

Ils vont par des palais de diamants,
Par des châteaux remplis de flamboîments,
Où les rayons des gemmes étincellent,
Et les trésors en cascades ruissellent.
Toujours plus fort dans ses bras véhéments
Le page étreint ces chairs qui le harcèlent.

Ils ont franchi l’infini, traversé
L’espace immense et les mondes sans bornes.
Plus haut, plus loin encor, s’est élancé
Le noir coursier dans les nuages mornes,
Au fond des cieux sanglants. L’enfant brisé
Vient d’exhaler en un baiser suprême
Son âme ; il meurt, le beau page rosé.

Elle a vaincu, la fille de Bohême.
Elle a touché de sa lèvre l’enfant,
Et lui a bu tout son sang goutte à goutte.
Elle a roidi sur lui son étouffant
Embrassement ; dans l’extase qu’il goûte,
Elle a tué son amant délicat.
Sur le cheval, debout, Ia s’est dressée,
Foulant de son pied la lèvre glacée

De l’ennemi vaincu qu’elle attaqua.
Et triomphante, en délire, éperdue,