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mémoires d’un cambrioleur

quelqu’un, car, de temps à autre, il jetait un rapide coup d’œil dans la direction de la Bourse.

Déjà, cela était visible, il commençait à s’impatienter, quand une femme s’approcha vivement de lui.

— Voici votre senora, dis-je à Manzana.

— Oui… oui, je l’ai bien reconnue… la garce !…

Dès que la jeune femme se fut assise, notre individu se mit à lui expliquer quelque chose, en lui parlant à l’oreille. Il lui racontait évidemment la visite qu’il venait de faire au bijoutier et ce que celui-ci lui avait dit.

Je m’étonnai cependant de ne pas voir arriver l’autre vieux monsieur, celui qui, la veille, avait entamé la conversation avec Manzana. Sans doute était-il parti en expédition, car ces gens que je considérais maintenant comme des bandits étaient des confrères… des cambrioleurs comme moi.

Je devais même reconnaître qu’ils étaient très habiles et, en toute autre circonstance, j’aurais eu pour eux de l’admiration. Leur façon de travailler, quoique différant sensiblement de la mienne, n’en était pas moins très ingénieuse. Ils exerçaient probablement depuis longtemps, bien qu’ils ne fussent pas aussi vieux qu’ils s’efforçaient de le paraître. Ils avaient dû, pour inspirer plus de confiance, se coller une perruque et une barbe blanches, car rien n’impose le respect comme un vieillard à la chevelure de neige, décoré de la Légion d’honneur, même lorsqu’il s’est, de son propre chef, décerné cette haute distinction.

La foule est gobeuse, elle aime ce qui est vénérable et ne se méfie presque jamais d’un vieux monsieur décoré.

Quant à moi, ma façon de travailler est tout autre, je crois l’avoir déjà dit. Au lieu d’arborer des complets extravagants et des cravates multicolores, je préfère une mise simple et modeste qui permet de passer partout sans être remarqué.

Ne pas être remarqué, c’est aussi une force, et je crois l’avoir suffisamment prouvé.