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mémoires d’un cambrioleur

— Non… répondit Manzana, je n’en ai pas…

Le cocher s’impatientait ;

— Oh ! vous savez, cria-t-il, faut pas m’la faire, j’connais l’coup. Vous m’devez dix-huit francs, plus le pourboire… payez-moi… ou venez avec moi au poste de police…

— C’est cela, dis-je… allons au poste… est-ce loin d’ici ?

— Non, là, à deux pas… place de l’Hôtel-de-Ville.

Nous remontâmes en voiture, Manzana et moi. Le cocher fouetta son cheval.

— Vraiment, questionna mon associé en se penchant à mon oreille, vous avez un billet de cinq cents francs ?

— Vous ne voyez donc pas que c’est de la frime ?… Mon billet de cinq cents francs est une simple feuille de papier… Je suis sans un sou… vos amis m’ont dévalisé. Comment ! vous aussi !… Mais alors, qu’allons-nous dire en arrivant au poste ?

— Vous pensez bien que nous n’allons pas être assez stupides pour y aller… Ouvrez doucement la portière de votre côté, moi je vais faire de même… La voiture va assez lentement pour que nous puissions sauter à terre sans danger… Attention !… y êtes-vous ?

Nous arrivions, à ce moment, au coin d’une rue obscure. Nous quittâmes le fiacre si prestement et avec une telle légèreté que le pauvre cocher ne s’aperçut point de notre disparition. Quand le brimbalement des portières que nous avions laissées ouvertes l’avertit enfin de notre fuite, il poussa un juron formidable, mais nous étions déjà loin.

Après avoir couru pendant environ un quart d’heure, en faisant le plus de détours possible, nous nous trouvâmes sur les quais. Il tombait une pluie glaciale et le vent qui soufflait par bourrasques faisait clignoter la flamme des réverbères.

Nous nous mimes à l’abri derrière un hangar et bientôt un douanier, qui nous prit sans doute pour des chapar-