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mémoires d’un cambrioleur

prendre une voiture et de nous faire conduire dans les principaux hôtels de Rouen… nous finirons bien par savoir où nos gens sont descendus…

La colère m’étouffait ! Je n’étais plus maître de moi et j’avais envie d’étrangler mon compagnon.

Ah ! si jamais je le retrouvais, le diamant, je me promettais bien de le garder pour moi seul et de faire ainsi payer à ce stupide Manzana les tortures que j’endurais à cause de lui…

Je le poussai dans un fiacre, après avoir jeté ces mots au cocher

— Nous cherchons quelqu’un, menez-nous dans les grands hôtels de la ville.

— Bien, monsieur, répondit l’homme…, mais c’est qu’il y a beaucoup d’hôtels ici…

— Commencez par ceux de premier ordre…

— Compris.

Le fiacre partit à petite allure. Il était tiré par un pauvre cheval boiteux qui buttait à chaque pas et s’arrêtait, par instants, pour souffler. Dans la descente de la rue Jeanne-d’Arc, il accéléra un peu son train, mais nous n’allions guère plus vite que si nous avions suivi un convoi funèbre.

À toute minute, je passais la tête par la portière et stimulais le zèle du cocher par la promesse d’un bon pourboire. Il avait beau cingler sa rosse, nous n’avancions pas.

Et, dans mon exaspération, je déchargeais ma bile sur Manzana qui, blotti dans un coin de la voiture, me regardait d’un air ahuri…

Je lui prodiguais toutes les injures que je savais et parfois, pris d’une rage subite, je lui empoignais les bras et lui enfonçais mes doigts dans la chair.

Il ne disait rien… ce n’était plus un homme, c’était une vraie loque. J’allai même jusqu’à l’accuser d’être de complicité avec les rastas du wagon, mais je compris bientôt que cette accusation était ridicule. II avait trop de raisons