Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
retiré des affaires

ser que quelqu’un aura jamais l’idée d’enlever une vieille dame comme cette reine-là…

— Des fois…, répliqua Logarec.

— Et que veux-tu qu’on en fasse ?

— Toi ou moi, rien, pardi ! mais un savant, un collectionneur ! ces gens-là n’ont pas des idées comme tout le monde… Avoue que c’est drôle tout de même, ces antiquités… Je trouve que ça vous a quelque chose d’impressionnant…

Et, tout en parlant, Logarec, rêveur, contemplait la glace qui recouvrait le sarcophage dans lequel était enfermée la pauvre reine Tia.

La tête et le haut du buste de la momie étaient dégagés des bandelettes, ainsi que ses mains, ramenées sous le menton. Ce masque de mort sévère, de couleur sombre, aux traits profondément accentués, paraissait de bronze. On l’eût pu prendre pour une figure sculptée en haut-relief, n’eût été une sorte d’humidité persistante entre les deux bords des paupières.

Le gros œil de cyclope de la lanterne sourde posée sur la glace éclairait le visage en dessous et rebroussait de bas en haut toutes les ombres.

Attiré, malgré lui, Bartissol regardait aussi.

— Non, vois-tu, fit Logarec, tu diras ce que tu voudras, mais ces morts-là ne sont pas comme les autres… Te figures-tu bien ce que nous serons, toi et moi, cinq ans seulement après qu’on nous aura enterrés ?…

— En voilà des idées… non, mais t’es pas un peu « marteau », mon pauvre Logarec ?

Bartissol avait la voix puissante et, dans le grand vide des hautes salles, les échos de cette voix répercutée par les caissons résonnaient étrangement.

Il s’en aperçut, sans doute, car il continua, baissant le ton :

— Satané « nigousse » ! va ! Il finirait par vous donner la tremblote.

Puis haussant les épaules :