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retiré des affaires

la jeune dame qui buvait ses paroles, il tira de sa poche plusieurs parchemins portant les en-têtes de diverses ambassades et exhiba des photos de personnages officiels sud-américains.

— Tiens, s’écria tout à coup l’un des vieux messieurs, voici un gentleman que je crois bien reconnaître…

C’est un de mes meilleurs amis, le senor José de Ravendoz, président de la République de San-Benito… répondit Manzana, tout heureux d’étaler ses relations… Nous avons été élevés ensemble au collège de Ricuerdo…

Le vieux monsieur prétendit connaître très bien ce Ravendoz et ce fut pendant près de vingt minutes, entre Manzana et lui, un étourdissant dialogue auquel finirent par se mêler la jeune dame et l’autre voyageur.

Je ne sais si vous êtes comme moi, mais lorsque je suis préoccupé, je ne puis entendre les gens bavarder autour de moi…

Bien que sollicité à plusieurs reprises, j’avais répondu évasivement à mes compagnons de voyage et, comme ils insistaient pour avoir mon avis tantôt sur une question, tantôt sur une autre, je pris le parti de me renfoncer dans mon coin et de faire semblant de dormir.

Manzana continuait de discourir, entassant mensonges sur mensonges, heureux de se voir admiré par des gens de distinction.

Il s’était accoudé sur la banquette, dans une pose nonchalante, et ne se souciait pas plus de moi que d’une datte. Il apparaissait bien là sous son vrai jour et je pouvais l’étudier à loisir.

C’était un être vide, prétentieux, adorant la flatterie, mais d’un esprit très borné et d’une éducation douteuse.

Quel triste compagnon j’avais là, et comme il me tardait d’en être débarrassé !

À Rouen, nos compagnons de voyage prirent congé de nous.

Ce fut entre eux et Manzana un échange de politesses outrées. Mon associé, qui tenait décidément à pas-