Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
mémoires d’un cambrioleur

en somme. Hier, vous disiez que j’étais votre Providence, et maintenant vous me traitez en ennemi…

Manzana fixa dans les miens ses yeux luisants :

— Je vous traite en ennemi, prononça-t-il lentement… parce que vous en êtes un et que vous cherchez à vous débarrasser de moi.

— Oh ! quelle idée !…

— Je sais ce que je dis… mais, prenez garde… tâchez de ne pas me manquer, car moi, je vous préviens, je ne vous raterai pas… Vous m’avez chipé mon revolver, mais j’ai fort heureusement pour moi deux poings… et deux poings solides, je vous assure.

— Il ne tient qu’à vous de ne pas en venir à cette pénible extrémité… Oui, je vous ai pris votre revolver, je le confesse, mais si vous voulez raisonner un peu, mon cher, vous serez obligé de reconnaître qu’il n’était pas juste que l’un eût à lui seul tous les atouts dans son jeu. Vous aviez le diamant… Vous aviez aussi le revolver, c’était vraiment trop, vous en conviendrez. J’ai voulu tout simplement égaliser les chances. Tant que vous respecterez vos engagements, vous n’aurez rien à craindre, mais si, par malheur, vous tentiez de vous enfuir, ma foi, tant pis pour vous !… je vous brûlerais la cervelle sans hésiter.

— Et qui me prouve que vous n’avez pas l’intention de le faire, même si je respecte mes engagements ?

— Oh ! mon cher, je crois que vous me prêtez là vos propres sentiments… Vous ne me supposez tout de même pas assez bête pour risquer un coup pareil sans y être forcé. Le malheur a voulu que je tombe entre vos mains, mais je ne songe même plus à cela. Mon but est de me débarrasser du diamant le plus vite possible et de vous tirer ma révérence. Je ne suis pas gourmand, un petit million me suffira, et ne supposez pas que je convoite votre part… Vous, au contraire, et j’ai tout lieu de le croire, vous voudriez vous attribuer la totalité de la vente, mais cela ne sera pas… Je m’y opposerai par tous les moyens, même quand je devrais sacrifier ma liberté.