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mémoires d’un cambrioleur

vous croyez que je n’ai pas deviné le fond de votre pensée ?… Voyons… me prenez-vous pour un idiot ?

— Mon cher, vous me prêtez là des sentiments qui me froissent, je vous l’assure… J’ai fait un pacte avec vous et je suis toujours prêt à tenir mes engagements…

— Oui, grogna Manzana… le revolver à la main…

— Que voulez-vous dire ?

— Vous le savez aussi bien que moi.

— Mon cher, vous divaguez…

— Vraiment…

La conversation en resta là.

Nous étions arrivés en haut de la rue d’Amsterdam. La nuit tombait ; un petit vent du nord soufflait sans interruption. Nous pressâmes le pas. Comme les passants étaient fort nombreux, à cette heure, et que nous risquions de nous trouver séparés, je repris le bras de Manzana.

— Ah ! encore, fit-il d’un ton brutal… Vous avez donc peur que je m’envole ?

— On ne peut pas savoir, mon cher…

— Alors, prenez-moi le bras gauche… pas le droit…

— Ah !…

— Oui, j’ai mes raisons pour cela.

— Comme vous voudrez, cher ami… un bras ou l’autre, cela n’a pas d’importance…

Manzana haussa les épaules et je remarquai, qu’à partir de ce moment, il tint obstinément sa main droite collée contre sa poitrine.

Il craignait évidemment que je ne cherchasse à lui subtiliser notre diamant. J’y avais déjà songé, mais je n’avais pas tardé à reconnaître que cette tentative serait impossible.

Ceux qui nous voyaient passer bras dessus, bras dessous, ne se doutaient certes pas que ces deux hommes, qui avaient l’air si fraternellement unis, n’attendaient qu’une occasion pour se jeter l’un sur l’autre.

Je jouissais intérieurement de la colère de Manzana et j’envisageais déjà l’avenir avec moins d’inquiétude. Man-