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retiré des affaires

Cette question lancée à brûle-pourpoint — un peu imprudemment, je l’avoue — amena sur le visage de Manzana un petit tressaillement.

Il me regarda fixement, les dents serrées, l’œil luisant et d’une voix grinçante, laissa tomber ces mots :

— Vous ne réussirez pas, mon cher, à m’attirer dans un guet-apens.

— Est-ce que vous devenez fou ?

— Oui… oui… je sais ce que je dis.

— Je ne vous comprends pas…

— Moi… je me comprends, cela suffit…

Il jeta son cigare, bredouilla quelques mots que je n’entendis point, puis fit brusquement demi-tour.

— Ah ! bien, dis-je, la vie va être gaie avec vous, si vous continuez ainsi à faire la tête… Vous n’avez pourtant aucune raison d’être mécontent. Il y a deux jours, vous étiez dans une purée noire et songiez peut-être au suicide, quand je suis apparu… pour vous offrir un diamant…

— Un diamant que nous ne placerons peut-être jamais !

— Certes, s’il n’y avait que vous pour le placer, nous aurions le temps de crever de misère. Heureusement que je suis là.

Mon associé eut un geste vague.

— Alors, dis-je, vous croyez que vous allez vous promener éternellement avec le Régent dans votre poche ?

— J’en ai peur.

— Manzana, vous n’êtes pas raisonnable… car dans toute cette affaire, si quelqu’un a le droit de se plaindre, c’est moi. Comment, je vous apporte la fortune, je consens à partager avec vous le produit de mon travail et, au lieu de me remercier, de sauter dans mes bras, vous avez l’air de me traiter en ennemi. Ah ! on a bien raison de dire que cette maudite question d’argent amène toujours la brouille entre les meilleurs camarades.

— Ne faites donc pas le bon apôtre… Est-ce que