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mémoires d’un cambrioleur

— Mais, puisque je laisse ici mon chapeau et mon pardessus…

— Ils ne valent pas le Régent, mon cher… je serais refait…

Il n’insista pas, mais je vis bien qu’il était de plus en plus furieux.

Avait-il réellement l’intention de « filer à l’anglaise » comme Édith ? Je ne le crois point, mais je n’étais pas fâché de lui donner une petite leçon.

Pour l’instant, je le tenais… c’était moi qui avais l’avantage, mais il fallait que je le conservasse, et jusqu’au bout.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il était environ trois heures quand nous quittâmes le restaurant.

Que faire jusqu’au départ du train de Londres ?

Manzana qui ne tenait guère, et pour cause, à se promener dans la rue, parlait déjà de se réfugier dans une brasserie… J’eus toutes les peines du monde à l’entraîner sur les boulevards extérieurs… sous prétexte de lui faire prendre l’air.

Tout en cheminant, nous causions, ou plutôt non, c’est moi qui causais, car Manzana n’était guère loquace.

Il était devenu morose et mâchonnait un cigare éteint. Il songeait évidemment à son revolver, à ce bon petit browning avec lequel il espérait me diriger à sa guise.

— Tiens, lui dis-je tout à coup, nous sommes à deux pas de votre domicile… Pourquoi n’attendrions-nous pas dans votre appartement l’heure du dîner… Il fait un froid de canard dans la rue et cette valise que je porte me coupe le bras.

— Je vous ai déjà dit, répliqua-t-il sèchement, que j’avais des raisons sérieuses pour ne pas retourner chez moi…

— Oui… vous avez peur…

— C’est possible…

— Auriez-vous peur de moi, par hasard ?