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mémoires d’un cambrioleur

— Oui… répondit-il d’un ton bourru.

— Serait-ce le diamant, grands dieux ?

Cette question éveillant en lui un nouveau soupçon, il porta aussitôt la main à son gilet.

— Non, grogna-t-il… j’ai toujours l’objet…

— Ah ! tant mieux !… vous m’avez fait une de ces peurs…

Durant tout le repas, Manzana ne dit pas un mot. Il était furieux, cela se voyait à sa figure, mais il était aussi fort inquiet. Il n’osa point me parler du revolver, bien qu’il fût à peu près sûr que c’était moi qui l’avais pris.

Quand nous en fûmes au café, il alluma une cigarette et me dit d’un ton mi-plaisant, mi-sérieux :

— Croyez-vous, Pipe, qu’il soit bien utile de retourner boulevard de Courcelles ?

— Ma foi, ce sera comme vous voudrez… Ne m’avez-vous pas dit tout à l’heure que vous aviez besoin de passer chez vous ?

— Oui, mais j’ai réfléchi… Il est préférable que nous ne remettions pas les pieds dans cet appartement…

— Cependant, vous avez besoin de votre valise… Vous ne pouvez pas vous embarquer sans linge de rechange.

— J’achèterai en route ce qui me sera nécessaire.

— Acheter… acheter !… et avec quoi ?… Vous semblez oublier que lorsque nous aurons payé notre déjeuner, il nous restera environ deux cent trente francs sur lesquels il faudra prélever nos frais de voyage. À notre arrivée à Londres, nous aurons à peine une vingtaine de francs… avec cela, nous n’irons pas loin.

— Ne m’avez-vous pas dit que vous aviez des amis là bas ?

— Oui, mais je ne puis aller comme cela, tout de go, leur emprunter de l’argent, le revolver sur la gorge.

À ce mot de revolver, Manzana pâlit et une lueur mauvaise passa dans ses yeux.