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retiré des affaires

un coup d’œil sur ce home assez misérable où j’avais cependant vécu avec ma maîtresse des heures délicieuses, j’entraînai Manzana.

— Vous êtes un malin, vous, me dit-il. Vous me faites vendre les objets qui garnissaient mon appartement, mais vous conservez précieusement les vôtres.

— Mon cher, répliquai-je assez sèchement, si vous aviez un peu de flair, vous auriez deviné tout de suite que je suis comme vous, en meublé !… Vous supposez bien que si je m’étais arrangé un intérieur, je l’eusse fait avec un peu plus de goût…

— En effet, accorda-t-il… ce n’est guère luxueux…

Et il ajouta, narquois :

— Vous viviez ici avec une petite femme, hein ?… J’ai vu sur le lit un gracieux kimono… Alors, vous la plaquez comme cela, sans remords… Pourquoi ne l’emmenez-vous pas ?… Une femme, c’est souvent utile… dans votre profession… Elle peut servir de rabatteuse et… dans les moments difficiles…

Je lui décochai un tel regard qu’il n’ose pas achever.

Décidément, ce gaillard-là était encore plus méprisable que je ne le supposais.

— Voyons, lui dis-je… où allez-vous ? rentrons-nous boulevard de Courcelles ou filons-nous directement à la gare.

— J’ai besoin, répondit-il, de rentrer chez moi… mais ne croyez-vous pas que nous pourrions déjeuner ?…

— C’est une idée…

Nous entrâmes dans un restaurant de la place Clichy et choisîmes une petite table placée tout au fond de la salle. Avant d’accrocher mon pardessus, je glissai sournoisement le revolver qui s’y trouvait dans la poche de derrière de ma jaquette. Manzana voulut évidemment faire comme moi, mais soudain je le vis pâlir et rouler des yeux en boules de loto…

— Vous avez perdu quelque chose ? demandai-je vivement.