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mémoires d’un cambrioleur

que, lorsqu’on écrit ses mémoires, il ne faut rien celer de ses sentiments… On doit livrer au public toute sa vie, quitte à froisser certains puritains qui prêchent très haut la morale et sont pourtant, dans le privé, de bien tristes personnages.

J’ai dit qu’après l’acte de violence auquel il s’était livré sur moi, Manzana s’était radouci. Il me remit même les deux cent cinquante francs que nous devions à la complaisance du marchand.

— Vous êtes, dès maintenant, me dit-il, le caissier de notre association.

— Et vous le principal actionnaire, n’est-ce pas ?

Un vilain sourire plissa sa face jaune et il me frappa sur l’épaule en s’extasiant sur mon esprit de repartie.

Peut-être espérait-il par la flatterie se concilier mes bonnes grâces, mais la façon plutôt rude dont avaient commencé nos relations m’interdisait toute familiarité avec ce rasta colombien.

Comme nous passions au coin de la rue d’Orchampt et de la rue Lepic, je lui dis à brûle-pourpoint :

— Accompagnez-moi donc chez moi où j’ai besoin de prendre quelques papiers…

— Vous habitez par ici ? fit-il interloqué.

— Oui, à deux pas… au 37 de la rue d’Orchampt.

— Soit, allons-y, dit-il… il n’y a personne chez vous ?

— Pas que je sache, à moins qu’un cambrioleur n’ait eu l’idée de venir explorer mon appartement.

Le concierge était sur le pas de la porte.

— Tiens ! monsieur Pipe ! s’écria-t-il… alors, vous êtes revenu de voyage ?

— Oui, vous le voyez… mais je vais repartir pour quelques jours. S’il vient des lettres pour moi, vous les garderez…

Nous montâmes. J’avais voulu faire passer Manzana devant, mais il s’y refusa obstinément.

Une fois chez moi, je mis dans ma valise un complet, des bottines et quelques chemises, puis après avoir jeté