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retiré des affaires

Le marchand eut un geste désespéré, suivi d’un petit rire qui ressemblait à un gloussement de poule.

— Cinq cents francs ! Cinq cents francs !… Ah ! vous ne doutez de rien… Pourquoi pas mille francs, pendant que vous y êtes ?… Allons, messieurs, je vois que nous sommes loin de compte… reprenez vos affaires et n’en parlons plus…

Manzana, qui était d’une maladresse insigne, allait proposer un chiffre inférieur, mais je lui lançai un coup d’œil et il se tut… Je suis, de par ma profession, rompu aux marchés de ce genre, et m’entends mieux que quiconque à discuter avec les receleurs… pardon, avec les commerçants… Je sais par expérience que, lorsqu’on a donné un chiffre, il ne faut jamais le baisser immédiatement, sinon l’on s’expose à recevoir une offre ridicule… Je fis donc mine de remballer les objets.

Le marchand me regardait en souriant…

— Voyons, dit-il enfin, raisonnez un peu, messieurs… comment voulez-vous que je paye cinq cents francs…

— C’est bien !… c’est bien, répliquai-je d’un ton maussade, n’en parlons plus… du moment que vous ne vouliez pas acheter, ce n’était pas la peine de nous laisser déballer nos bibelots… et installer une exposition dans votre boutique…

Le gros homme demeura un instant silencieux, puis s’écria tout à coup…

— Vraiment, cela m’ennuie de ne pouvoir faire affaire avec vous… vous êtes certainement de braves et dignes jeunes gens et je suis sûr qu’une autre fois, vous m’apporterez quelque chose de plus avantageux… Tenez… je vous aligne deux cent cinquante francs… vous voyez que je suis arrangeant… C’est tout juste le prix auquel je revendrai ces machines-là… si je les revends…

J’allais opposer au marchand un refus catégorique, mais cet imbécile de Manzana répondit aussitôt :

— Soit, deux cent cinquante.

Je n’avais plus rien à dire.