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mémoires d’un cambrioleur

Manzana était devenu verdâtre…

— Vous croyez ?… balbutia-t-il.

Sans répondre, je l’entraînai vers un magasin de modes devant la glace duquel nous demeurâmes immobiles, comme hypnotisés par les chapeaux extravagants qui s’étalaient en montre. Les petites modistes amusées par nos mines étranges nous faisaient des grimaces et riaient comme des folles…

— Est-il passé ? demanda Manzana qui, à ce moment, se souciait fort peu des gracieuses midinettes…

— Oui, dis-je… Il s’en va là-bas… attendons encore… Ah ! le voilà qui tourne le coin d’une rue… on ne le voit plus… nous pouvons nous remettre en route.

Manzana n’était qu’à demi rassuré. Il ne voulut point continuer tout droit et m’obligea à faire un tas de détours…

— Vous savez, lui dis-je enfin, que vous m’entraînez vers les fortifications, et ce n’est pas là que nous trouverons des marchands d’objets d’art…

— C’est vrai… mais il fallait me le dire plus tôt… Vous êtes là, collé contre moi… c’est plutôt vous qui me dirigez.

— Ah ! elle est bonne, celle-là… vraiment, mon cher, vous devenez insupportable…

— C’est possible… mais je voudrais bien vous voir à ma place…

— Je préfère en effet être à la mienne, répliquai-je avec aigreur.

— Oh ! votre situation et la mienne se valent. Vous allez peut-être me dire que vous êtes un honnête homme ?

— Certes, je n’ai pas cette prétention… Je suis un voleur, un vulgaire voleur, et vous le savez mieux que personne puisque vous avez dans votre poche le « produit de mon travail »… Mais si, par hasard, la police mettait la main sur moi, que pourrait-il m’arriver ? Je perdrais mon diamant… voilà tout…

— Et vous attraperiez au moins dix ans de prison…