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retiré des affaires

— Tiens ! voilà notre réveillon à nous.

Et le Méridional, d’un geste rageur, déposa lourdement sa lanterne sur le sarcophage de la reine Tia.

Ils s’arrêtèrent et s’adossèrent à la clôture placée devant les collections.

Le Breton renversa son bicorne sur sa nuque, croisa les bras et se mit à suivre, en face de lui, les jeux de la lumière bleuâtre sur les glaces de la fenêtre.

Là-bas, loin, sur la place, à l’origine de cette lumière, il suffit du passage d’une phalène, d’un insecte gros comme un rien, pour qu’ici, sur les vitres, ce soit une fantasmagorie énorme, aux larges ailes de vampire.

On supposera peut-être que je prépare mon atmosphère ? Non pas !… Que les sceptiques tentent l’expérience ! Je crois plutôt, en certaines circonstances, à la collaboration secrète de phénomènes bizarres mus par un agent insaisissable, et provoquant l’événement qu’aucune des lois établies ne saurait expliquer.

C’est précisément en cela que consiste le Merveilleux.

Je ne dis rien d’autre que ce qui fut un gardien du Louvre, qui se trouvait être Breton, regardait se jouer la lumière électrique sur les glaces d’une fenêtre de la salle des sarcophages.

Et ce gardien disait :

— Sais-tu, Bartissol, à quoi je songe ?… aux nuits de Noël de chez nous. Elles étaient bleues comme celle-ci, à cause du clair de lune sur la neige, mais il y avait plus de neige dans ce temps-là qu’aujourd’hui… ou bien c’est le pays qui n’est pas le même… On allait en bande à la messe de minuit, et puis on revenait gelé, transi et bien content de trouver une bonne bûche qui pétillait dans l’âtre. Alors… on réveillonnait avec des crêpes, du boudin, et les anciens racontaient des histoires.

— Ah oui ! fit Bartissol, les vieux en ont toujours de bonnes.

— La plupart du temps, reprit le Breton, c’étaient des contes qui font peur… Nous… les gosses, on dormait