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retiré des affaires

ai fait comprendre que cela était impossible… Cependant, si vous ne pouvez faire argent des gros meubles, vous pouvez assez facilement vendre cette pendule, ces candélabres, cette statuette et les différents bibelots qui garnissent le salon. Si l’on ne peut emporter une commode ou un buffet, il est facile de sortir d’ici, en les dissimulant sous son pardessus, des objets moins encombrants… Le concierge n’y verra que du bleu.

— Oui… oui… en somme, vous en revenez à ma première idée.

— Pas précisément, puisque la vôtre était impraticable… Allons, ne perdons pas un instant, enveloppons tout de suite ce que nous voulons vendre…

— C’est cela… cependant, êtes-vous sûr de trouver un acquéreur ?

— Oui…

— Mais il exigera peut-être des renseignements… il ne consentira à payer qu’à domicile.

— Ne vous inquiétez pas de cela… j’ai tout prévu…

Manzana ne me demanda pas d’explications.

Il était d’ailleurs dans un tel état d’avachissement que je faisais de lui tout ce que je voulais. Il tressaillait au moindre bruit, allait à chaque instant soulever le rideau de la fenêtre pour regarder dans la rue et s’il apercevait quelqu’un immobile, sur le trottoir d’en face, il s’imaginait aussitôt que la maison était surveillée, que des agents de la Sûreté l’épiaient et qu’il allait être arrêté.

Au lieu de le rassurer, je prenais un malin plaisir à tout exagérer, tactique assez habile, qui mettait mon ennemi à mon entière discrétion.

Je feignais d’être aussi inquiet que lui et lui rappelais continuellement, par quelque allusion naïve, la dame au manteau de loutre qui l’avait si vertement apostrophé en pleine rue.

C’est dans les circonstances critiques que l’on peut vraiment juger un homme. Manzana, que j’avais pris tout d’abord pour un fieffé coquin à qui on n’en remon-