Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
retiré des affaires

des policiers français, exagérant à plaisir les captures sensationnelles de malfaiteurs imaginaires.

J’arrivai de la sorte à le déprimer, à l’abrutir, et cet homme, qui était mon maître quelques heures auparavant, ne tarda pas à devenir presque mon esclave. Profitant de l’ascendant que j’exerçais maintenant sur lui, je réglai seul nos préparatifs de départ. J’avais eu un moment l’idée de vendre les meubles qui garnissaient mon logement de Montmartre, mais je réfléchis que cela me serait impossible, car j’étais en meublé, moi aussi, et mon concierge, cerbère impitoyable, surveillait la maison avec un zèle exagéré. En toute autre circonstance, je n’aurais pas hésité à tenter quelque bon petit cambriolage qui m’eût assuré la tranquillité pour un mois ou deux, mais aujourd’hui, j’étais craintif.

Oui, le croirait-on ? Moi, Edgar Pipe, dont les exploits étaient célèbres, quoique anonymes, je n’osais plus aujourd’hui tenter quoi que ce fût, et cela, à cause de ce bandit de Manzana qui était, par la force, devenu le dépositaire du Régent.

Et pourtant, il fallait fuir, quitter Paris le plus vite possible, car je prévoyais bien que mon associé allait se faire pincer… Si on l’arrêtait, j’étais perdu. On perquisitionnerait chez lui, on trouverait le diamant et je verrais pour toujours s’écrouler mes rêves d’avenir.

Manzana s’était étendu sur son divan. Il semblait réfléchir, mais en réalité, il ne pensait à rien, car il était littéralement abruti. La rencontre qu’il avait faite l’avait plongé dans une prostration profonde…

— Voyons, lui dis-je, il faudrait prendre une décision.

— Évidemment, répondit-il… Je cherche… mais je ne trouve rien…

— Écoutez, je crois avoir résolu le problème…

— Pas possible !

— Oh ! ce n’est pas fameux, je vous préviens, mais enfin, faute de grives…

— Oui… oui… exposez votre idée.