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mémoires d’un cambrioleur

lesquelles un gentleman peut parfois, sinon s’entendre, du moins vivre en bonne intelligence, mais il y en a d’autres (et mon compagnon était de celles-là) qui n’inspirent que mépris et dégoût.

Plaquer ce goujat, tel était mon dessein, mais pour cela, il fallait que je rentrasse en possession de mon diamant et ce n’était pas chose facile, car, je crois déjà l’avoir dit, mon horrible associé avait sur moi l’avantage de la force.

Je ne pouvais lui opposer que la ruse, et c’est à quoi je m’employai.

Dès que nous fûmes rentrés boulevard de Courcelles, que nous nous fûmes enfermés dans l’appartement que je partageais provisoirement avec Manzana, ce dernier qui était encore tout bouleversé par la petite scène de l’avenue des Champs-Élysées, m’exposa sa détresse, en ayant soin, bien entendu, de se donner le beau rôle dans le drame obscur que je croyais deviner.

Il me confia que la femme que nous avions rencontrée et qui l’avait si odieusement interpellé avait été sa maîtresse, qu’il l’avait quittée brusquement et qu’aujourd’hui elle cherchait à se venger de lui, en inventant, comme toutes les maîtresses trompées, un tas de calomnies sur son compte. Il n’avait heureusement rien à craindre, affirmait-il, car si on l’arrêtait, il n’aurait pas de peine à faire tomber une à une les accusations que porterait contre lui son ennemie, mais il préférait éviter une confrontation désagréable dont parleraient sans doute les journaux et qui jetterait sur son nom un discrédit fâcheux, là-bas, en Colombie où ses proches occupaient tous de hautes situations.

Je feignis de m’apitoyer sur son sort et de prendre pour argent comptant toutes les stupidités qu’il me débitait, mais avec une adresse machiavélique, je m’ingéniai à l’effrayer, distillant, goutte à goutte mes petits effets de terreur, lui rappelant certaines histoires d’innocents que l’on avait guillotinés, lui vantant l’adresse et le flair