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retiré des affaires

Il n’acheva pas… Les mots s’étranglaient dans sa gorge.

— Ne vous alarmez pas ainsi, répondis-je… Paris est vaste… avant que l’on vous retrouve.

— Oh !… cette maudite femme est très puissante… elle a de hautes relations… dans une heure, peut-être avant, j’aurai les agents de la Sûreté à mes trousses… Je me doutais qu’elle était à Paris… Il faut fuir… fuir le plus vite possible !… Allons n’importe où… gagnons l’Angleterre ; de là, nous verrons à passer en Hollande… mais ne perdons pas une minute… rentrons chez moi, nous allons prendre une décision.

Cette petite aventure m’avait certainement moins ému que Manzana. Je dirai même qu’elle n’était point pour me déplaire, car elle rabattait singulièrement le caquet de mon compagnon et mettait sur sa vie une ombre plutôt fâcheuse.

Je m’étais bien douté, dès le premier instant, qu’il devait avoir un passé des plus louches… mais je ne supposais pas qu’il pût être un assassin. Décidément, il devenait par trop compromettant et il était temps de le « semer », comme on dit vulgairement. À Paris, cela m’était difficile, mais là-bas, à Londres, je pensais y arriver assez vite.

Il importait, pour le moment, de ne pas éveiller ses soupçons, d’avoir l’air d’accepter, comme une chose toute naturelle, une situation que le hasard semblait avoir compliquée à dessein. Ah ! si j’avais eu mon diamant en poche, comme j’eusse laissé arrêter avec plaisir ce compagnon antipathique, car, je dois le dire, Manzana était terriblement antipathique. Il avait un masque ingrat, des allures de portefaix, une vilaine voix cuivrée qui vous écorchait les oreilles et une certaine façon de rouler les r qui m’horripilait.

Pour moi, qui ai l’usage du monde et qu’une certaine délicatesse native pousse à rechercher les gens bien élevés, la compagnie de Manzana était un véritable supplice.

Il y a des canailles qui ont un certain vernis et avec