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mémoires d’un cambrioleur

Dans la rue, il me prit le bras et nous nous acheminâmes vers l’Étoile.

Tout en marchant, nous continuions, bien entendu, à échafauder combinaisons sur combinaisons, sans parvenir à en trouver une qui valût la peine d’être retenue. Nous venions de nous engager dans l’avenue des Champs-Élysées, quand une femme coiffée d’un chapeau tapageur et vêtue d’un long manteau de loutre, s’arrêta brusquement devant nous, dévisagea un instant mon compagnon et s’écria, furieuse :

— Ah ! voleur ! ah ! bandit !… je vous retrouve enfin !…

Et, des yeux, elle cherchait un agent.

Manzana, en proie à une terreur folle, demeura un instant cloué sur place, incapable de faire un mouvement, mais il se ressaisit vite et, m’empoignant par la manche de mon pardessus, m’entraîna dans une course folle, pendant que la femme hurlait comme une possédée :

— Arrêtez-le… arrêtez-le !… c’est oune voleur !… oune assassin !…

Par bonheur, l’endroit où s’était déroulée cette courte scène était à peu près désert, et il ne se trouva point, parmi les rares promeneurs qui montaient ou descendaient l’avenue, un courageux citoyen pour se lancer à notre poursuite… Seul, un petit télégraphiste nous donna un instant la chasse, mais comme nous traversions au galop l’avenue Friedland, un tramway qui s’était arrêté brusquement lui barra le chemin… Il nous perdit un instant de vue et, quand il eut contourné l’obstacle, nous nous étions déjà engagés dans la rue Balzac.

Manzana tremblait comme une feuille ; de grosses gouttes de sueur roulaient sur sa face brune. Dès qu’il se vit hors de danger, il souffla bruyamment, passa son mouchoir sur son front et me dit d’une voix sèche :

— Mon cher Pipe, nous ne pouvons demeurer un jour de plus à Paris… La femme que vous venez de voir va me dénoncer à la police… et…