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mémoires d’un cambrioleur

Jusque-là, rien d’étrange. C’est la nuit, voilà tout. Les échos soulevés par les pas sur le parquet se prolongent à l’infini.

Pour m’en tenir à ma comparaison avec ce qui touche au domaine de la pensée, je dirai que ces échos ressemblent au « martèlement » d’une idée obsédante, comme on en a dans les états de demi-rêve.

Les hautes fenêtres reçoivent, de l’extérieur, la lumière blafarde et fausse des candélabres électriques.

Çà et là, percent des lueurs… Ce sont, aperçues dans un rayon oblique, les dorures du lambris.

Le jour, c’est à peine si on les remarque — tant est grande leur profusion — mais la nuit, ces rares éclats incertains ont quelque chose d’inquiétant, comme des yeux qui veillent dans l’ombre.

Ailleurs, c’est le mystère, le silence, rien !

La nuit où je notai ces impressions était celle de Noël.

Les cloches de Saint-Germain-l’Auxerrois annonçaient la messe de minuit et leur son pénétrait, assourdi, dans les galeries sombres, aussi atone que la clarté lointaine des réverbères.

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Deux gardiens poursuivant leur ronde nocturne venaient de s’engager dans la salle des Antiquités Égyptiennes. L’un portait une lanterne sourde. Précisons ! Il importe de ne rien laisser dans le vague, que ce qui demeure inexplicable.

Le premier s’appelait Bartissol et était du Midi… Il seyait au second, qui était Bas-Breton, de se nommer Logarec.

— Entends, dit Bartissol. Voilà la messe qui sonne… Y en a qui vont réveillonner et bambocher toute la nuit… Qu’est-ce que ça te dit à toi, vieux ?

— À moi ?… rien, fit Logarec rêveur.

— Eh bien, à moi, ça me dit qu’on n’est pas de ceux-là, de ceux qui font la fête !…

— Ah bien sûr !