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retiré des affaires

— Par son intermédiaire, il serait peut-être possible de trouver un ouvrier qui consentirait à fractionner notre diamant.

— Non… car cet ouvrier nous dénoncerait aussitôt. Il y a des pierres précieuses qui sont connues, cataloguées, étiquetées, et la nôtre est de celles-là.

— Elle appartenait à une collection ?

— Oui…

— Au baron de Rothschild, peut-être ?

— Non… au musée du Louvre…

— Ah ! diable ! mais alors, c’est un Diamant de la Couronne… le Régent, peut-être ?

— Vous l’avez dit.

— Oui… oui… je comprends… fallait-il que je fusse bête !… j’aurais dû me douter que c’était le Régent… Je l’ai vu plus de dix fois, là-bas, dans sa vitrine et en le contemplant, je me suis dit souvent : « Si j’avais ce diamant-là dans ma poche ! »

— Eh bien, vous l’avez aujourd’hui, non pas dans votre poche, mais dans votre coffre-fort et vous n’êtes pas plus riche pour cela…

— C’est vrai… je n’aurais jamais supposé qu’avec une fortune pareille dans son gousset, on pût mourir de faim.

— Nous ne mourrons pas de faim, je l’espère, mais nous ne tenons pas encore nos millions… Je vous l’ai dit et je vous le répète, ce n’est qu’à Amsterdam que nous pourrons écouler ce « bibelot » gênant… Faites-moi confiance, c’est tout ce que je vous demande… Si vous voulez agir à votre guise, mener vous-même cette affaire, vous ferez tout manquer. Que demandez-vous ? de l’argent… vous en aurez, soyez-en sûr, mais suivez mes conseils. Qu’avez-vous à craindre ? que je vous dénonce ? Le puis-je sans me dénoncer moi-même ?

Ce raisonnement parut convaincre Manzana. Il me tendit une main molle que je serrai sans effusion, et nous sortîmes du café.