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retiré des affaires

Venez avec moi, nous allons chercher un matelas et des couvertures.

Manzana ouvrit une porte et me poussa devant lui. Nous traversâmes un salon confortablement meublé, une salle à manger gothique, puis nous arrivâmes dans la chambre, où régnait un affreux désordre… Le lit était défait ; des habits, du linge, des chaussures traînaient çà et là, pêle-mêle.

— Prenez le matelas, me dit-il, moi je me charge des couvertures.

Quelques instants après, mon associé et moi étions installés dans le bureau, lui sur le divan, moi sur le matelas. Nous avions laissé l’électricité allumée et, de temps à autre, nos regards se rencontraient. Manzana finit par s’endormir. Je me soulevai doucement et le regardai. Il était couché sur le dos, la tête légèrement renversée… Son bras droit pendait le long du divan et sa main qui rasait presque le parquet tenait toujours le maudit browning !

J’eus un moment l’idée de me précipiter sur cette main, de m’emparer du revolver. Au premier mouvement que je fis, Manzana se réveilla. Comme tous les gens qui n’ont pas la conscience tranquille, il ne dormait que d’un œil. Décidément, il n’y avait rien à tenter. J’étais le prisonnier de cet homme !

Avais-je été assez stupide aussi ! J’aurais dû remarquer qu’il y avait un entresol dans la maison… Si j’avais été moins étourdi, j’aurais, à cette heure, reposé tranquillement chez moi, la sacoche bien garnie, grâce au père Bénoni, et prêt, dès le lendemain, à m’embarquer pour la Hollande.

Au lieu de cela, j’étais maintenant l’associé d’un affreux rasta, capable de tout, et Dieu seul savait ce que me réservait l’avenir ! Manzana pouvait me « jouer le tour », c’est-à-dire s’enfuir avec mon diamant ; il était bien capable aussi de me supprimer pour demeurer seul propriétaire du Régent…