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retiré des affaires

— Certes non, mais qui me dit qu’une fois que vous l’aurez enfermé dans votre coffre-fort, vous ne me flanquerez pas à la porte purement et simplement.

Mon interlocuteur eut un petit haussement d’épaules.

— Mon cher Pipe, répondit-il (il m’appelait son cher Pipe), permettez-moi de vous dire que vous manquez un peu de perspicacité… Voyons, il suffit de raisonner, que diable ! Vous vous présentez chez moi en crochetant ma serrure, je vous reçois, le revolver à la main, nous discutons et finalement je consens à traiter avec vous… Au lieu de vous livrer à la police, comme c’était mon droit — je dirai plus, mon devoir — je fais taire tous mes scrupules d’honnête homme et je deviens… votre associé… Triste association, à la vérité, car le capital que vous m’apportez étant de source suspecte, je risque, par la suite, de devenir complice d’un vol… Je joue gros jeu, moi aussi, vous en conviendrez…

— Évidemment… évidemment, mais vous vous compromettez davantage encore en conservant le diamant chez vous, dans votre propre secrétaire… Avez-vous donc l’intention de le vendre vous-même ?

— Non, mon cher Pipe, cela vous regarde… Quand nous aurons trouvé un acquéreur, je vous rendrai votre pierre précieuse et nous irons tous deux chez cet acquéreur. En un mot, nous ne nous quitterons plus un seul instant… À partir de cette minute, vous devenez mon hôte, mon commensal… vous vous installez ici… Je vous fais dresser un lit dans cette pièce, à côté du coffre-fort et vous pouvez ainsi surveiller votre « gage ». Que vous faut-il de plus ?

Ce raisonnement était loin de me convaincre, mais dans la situation où je me trouvais, je devais tout accepter. Le revolver, un petit browning bronzé, était toujours sur la table et Manzana le caressait de temps à autre d’un geste nonchalant.

La grande force, dans la vie, c’est de gagner du temps, car avec le temps les affaires les plus compliquées