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mémoires d’un cambrioleur

Je montai au premier étage, longeai la galerie française du XVIIIe siècle, la salle des Primitifs, et arrivai au Salon Carré… Mon émoi grandissait. Je m’arrêtai un instant devant le Repas chez Simon le Pharisien, par Paul Véronèse, puis allai me planter devant la Mona Lisa, de Léonard de Vinci… Les visiteurs étaient assez rares, car depuis qu’il faut payer pour entrer dans les musées, nombre de gens s’abstiennent d’y venir… Il y avait là quelques Anglais, en complets gris ou beiges, et une dizaine d’Anglaises avec des chapeaux ridicules.

De temps à autre, on voyait des hommes, jeunes pour la plupart, coiffés de grands feutres mous, qui traversaient la salle, en habitués de la maison, et se répandaient dans la grande galerie des écoles étrangères… Des femmes d’âge mûr, le nez chevauché de lunettes, arrivèrent bientôt, munies, comme les hommes, de boîtes de couleurs. Tous ces gens s’installaient le long de la grande galerie et dressaient leurs chevalets. Les gardiens, empressés, sortaient des placards ménagés dans les plinthes des toiles où s’étalaient des ébauches plus ou moins avancées, les unes fort réussies, les autres hideuses ou ridicules.

Soudain, une bande d’étrangers, conduits par un interprète d’agence, fit irruption dans le Salon Carré. Les tableaux ne semblaient guère les intéresser, sauf les « Noces de Cana » qui, par leur dimension, étonnent toujours les profanes (songez donc, une toile de 6 m. 66 de haut sur 9 m. 90 de large). Je me mêlai aux groupes, qui bientôt arrivaient dans la salle où sont exposés les diamants de la Couronne.

Au centre de la galerie, la vitrine que je connaissais bien, hélas ! ne manqua pas d’attirer leur attention. Mes touristes s’arrêtaient devant ces merveilles et les contemplaient avec des yeux de convoitise… Les femmes surtout étaient éblouies… Et les cris d’admiration se croisaient à la vue des solitaires reposant sur leurs écrins de peluche blanche, tandis que l’interprète psalmodiait, d’une voix de pasteur :