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retiré des affaires

que l’on pourrait me poser et j’étais sûr d’y répondre sans embarras.

J’embrassai tendrement Édith, en lui donnant rendez-vous pour midi et demi à la station des omnibus du Pont des Saints-Pères, et j’allai chez moi faire toilette. Je revêtis mon plus beau complet, me pomponnai, me bichonnai, puis, après m’être longuement regardé dans la glace je pris mon chapeau et mes gants et descendis.

Une fois dans la rue, je hélai un taxi :

— Au musée du Louvre ! dis-je au chauffeur.

— D’quel côté ? demanda l’homme.

— Côté du quai…

— Bon…

Durant tout le trajet, je repassai dans ma tête le petit speech que j’allais débiter, mais au fur et à mesure que j’approchais du but, je me sentais de plus en plus inquiet…

Si tout de même ?…

Mais non, je me forgeais des idées stupides… Depuis quand arrête-t-on un homme qui vient restituer un objet volé ?… Et puis… et puis !… Ah ! décidément, je devenais bien timoré depuis que j’étais entré dans la peau d’un honnête homme… Je perdais tous mes moyens… je ne me reconnaissais plus…

Quand je descendis de taxi devant le Louvre, j’avais retrouvé tout mon aplomb. Je réglai le chauffeur et m’engageai dans la cour du Carrousel… L’idée m’était venue tout d’abord, de ne rendre directement au cabinet du Conservateur, mais il n’était que dix heures et demie, et je savais qu’à Paris, comme à Londres, les fonctionnaires de l’État viennent très tard à leur bureau… quand ils y viennent.

Je résolus donc d’entrer au musée, en attendant onze heures… et j’éprouvai, je l’avoue, une petite émotion en pénétrant dans ces salles que j’avais parcourues trois ans et demi auparavant, la veille de Noël, avec, dans ma poche, un diamant qui ne ressemblait en rien à celui dont j’allais m’emparer…