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mémoires d’un cambrioleur

Qui sait ?… Il y a des êtres qui sont nés pour se rencontrer… Je vous disais donc qu’il arrive toujours un moment où nos maux doivent prendre fin… et ce moment est arrivé… après l’affreux malheur qui m’a frappé si cruellement et m’a, pendant de longs mois, retranché du nombre des vivants… Quand je vous ai retrouvée à Londres, dans ce music-hall de Pennington, j’avais décidé de m’embarquer pour l’Amérique du Sud… Mais le hasard qui est notre grand maître — appelons-le la Providence, si vous préférez,  — n’a point permis que je quittasse l’Europe… Le bateau qui devait m’emmener en Amérique, a eu subitement une avarie, et, comme je voulais fuir Londres le plus vite possible, je me suis fait engager sur le premier bâtiment venu… et savez-vous où il allait ce bâtiment ?… Vous ne devineriez jamais, Édith… Il allait en Hollande… Peut-être comprenez-vous déjà…

— Oui… oui, s’écria ma maîtresse… je comprends… en Hollande, vous avez retrouvé votre oncle… et…

— Non, je ne l’ai pas retrouvé… Le pauvre homme était mort quand je suis arrivé, mais il avait laissé un testament en bonne et due forme…

— Et vous avez hérité ?

— De toute sa fortune… oui, Édith.

— Alors, vous avez pu prouver que vous étiez réellement Edgar Pipe…

— Oui… j’ai pu le prouver… La vieille gouvernante de mon cher oncle, que j’ai d’ailleurs récompensée largement, a témoigné en ma faveur devant les officiers ministériels et les banquiers chez lesquels la fortune du de cujus était déposée…

— Du de cujus, dites-vous, je croyais que votre oncle s’appelait Chaff ?

— Oui… Édith, il s’appelait Chaff… de cujus est un terme de droit qui sert à désigner le défunt dont on hérite… Bref, j’ai hérité… J’ai aujourd’hui une fortune qui nous permettra de mener la grande vie…