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mémoires d’un cambrioleur

— Ah ! vous avez bien fait, par exemple !… Ce M. Armand n’a que ce qu’il mérite…

— Heureusement que je ne me retrouverai plus en face de lui… Je voyais bien que, depuis quelque temps, il tournait autour de moi, mais je n’avais pas l’air de m’en apercevoir… Enfin, aujourd’hui, il s’est enhardi… nous étions seuls dans son bureau… Ah ! Edgar, que les hommes sont dégoûtants !

— Pas tous, Édith…

— Non…, non, Edgar, fit Édith en souriant, pas tous… Comment voulez-vous qu’une femme seule et qui a besoin de travailler, ne succombe pas un jour ou l’autre… Tenez, justement, le voici ce goujat…

M. Armand sortait, en effet, de son magasin. C’était un petit homme obèse, au dos rond, au nez en forme de banane et à la figure eczémateuse. En nous apercevant, il hâta le pas, serrant les jambes, comme s’il s’attendait à recevoir un coup de pied quelque part. Je lui décochai deux ou trois épithètes plutôt malsonnantes, qu’il encaissa sans sourciller, puis, me tournant vers Édith :

— Nous retournons à Montmartre, n’est-ce pas ?

— Oui… si vous voulez…

Nous remontâmes en taxi… Vingt minutes après, j’étais chez ma maîtresse… Elle habitait rue Girardon, une petite chambre… bien pauvrement meublée, mais d’une propreté merveilleuse… Sur la cheminée, entre deux vases bon marché, s’étalait ma photographie… une pauvre photo toute craquelée qui avait dû voyager beaucoup, elle aussi, et avoir pas mal d’aventures.

— Vous voyez, fit Édith, ce n’est pas très luxueux ici… mais j’aime cette petite chambre… J’y ai souvent pensé à vous, Edgar, et votre portrait m’a plus d’une fois redonné du courage… car c’est surtout depuis que je suis malheureuse que j’ai appris à vous aimer…

Un long baiser scella cet aveu qui… cette fois, partait du cœur.