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retiré des affaires

il n’y avait qu’un homme qui pût me tirer de là, c’était ce bon oncle Chaff, ce septuagénaire affectueux, sur le sort duquel Édith s’était si gentiment apitoyée, au moment où je devais partir pour la Hollande… Je dirais donc à ma maîtresse qu’après l’avoir quittée à Waterloo Station, je m’étais rendu en Hollande… Le reste était facile à imaginer — ce n’est pas l’imagination qui me manque, heureusement — et le petit roman que j’échafauderais dissiperait tous les doutes qui pourraient subsister dans l’esprit d’Édith. On peut être un cambrioleur et hériter d’un oncle généreux… S’il n’y avait que les honnêtes gens qui pussent hériter, on verrait certainement moins de millionnaires.

Ma conscience était maintenant en repos. Quand j’aurais mis à exécution le projet dont j’ai parlé tout à l’heure et qui devait me débarrasser du Régent, je serais à l’abri de tout danger.

Je consultai ma montre… Il y avait trois quarts d’heure qu’Édith m’avait quitté… Je descendis de taxi et me mis à arpenter nerveusement le trottoir… On la faisait poser, mais elle s’en doutait, la malheureuse… Enfin, elle reparut… Elle était toute rouge, et semblait très excitée…

— Qu’avez-vous donc ? demandai-je…

— Oh ! ne m’en parlez pas, Edgar… Ces gens-là ne sont pas seulement des malappris… ce sont…

Elle n’acheva pas.

— Voyons, expliquez-vous… qu’est-il arrivé ?

— Rien, fort heureusement, mais c’est écœurant de voir des choses semblables… Non seulement M. Armand nous chicane sur l’ouvrage, et nous oblige à refaire sur place certains plis qu’il trouve mal faits, mais encore, il prend avec les ouvrières des privautés vraiment trop… comment dirai-je… je ne trouve pas le mot, Edgar… mais vous me comprenez…

— Est-ce qu’il aurait essayé ?…

— Oui… mais je l’ai remis à sa place… et comme il insistait, je l’ai giflé…