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retiré des affaires

paraissait fort lourde, car à chaque instant la femme la faisait passer d’un bras à l’autre. L’eau ruisselait sur la pauvre petite robe de l’ouvrière et dégouttait de son modeste chapeau dont les bords s’étaient à demi rabattus. Galamment, je m’avançai, avec mon parapluie (un bon Anglais, quand le temps n’est pas sûr, a toujours la précaution de prendre son parapluie et de relever le bas de son pantalon).

— Mademoiselle, dis-je d’une petite voix flûtée, voulez-vous me permettre de vous abriter ?

— Vous êtes bien aimable, monsieur… je vous remercie beaucoup…

Et, en disant ces mots, la femme tournait vers moi son visage rose.

— Édith !… ma chère Édith !

— Edgar !… quoi… c’est vous !… Ah ! quelle surprise !

— Ma petite Édith !…

Et, prenant sa « toilette », je la passai à mon bras…

La pluie redoublait, une pluie droite, maussade, qui claquait sur le pavé. On se serait cru à Londres.

— Entrons ici, dis-je en désignant un petit café de la rue des Abbesses où j’allais quelquefois prendre mon apéritif.

Quand nous pénétrâmes dans cet établissement, j’entendis le garçon qui disait à un consommateur : « Tiens, v’là l’Anglais de la rue de Maistre qui a fait un « levage »… pas mal, la petite poule ! »

Nous nous assîmes, et je commandai deux grogs.

Édith et moi, nous étions si émus que nous ne trouvions rien à nous dire. Nous avions l’air aussi bête que deux jeunes amoureux à leur premier rendez-vous… Édith me regardait, j’avais pris sa petite main dans les miennes et la caressais doucement…

— Vous voyez, dis-je enfin… je suis venu…

— Je le savais bien, Edgar, que vous viendriez… Vous n’êtes pas allé en Amérique ?