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XXIII

la petite ouvrière qui trotte sous la pluie

Je m’installai rue de Maistre, dans une chambre meublée des plus modestes. De ma fenêtre, j’apercevais le cimetière Montmartre qui est, sans contredit, l’un des plus gais de Paris, avec ses arbres où chantent des milliers d’oiseaux, et ses jolies allées bordées de géraniums et de fusains… C’est aussi un cimetière « artistique » (si je puis m’exprimer ainsi). Là dorment J.-J. Henner, Paul Delaroche, Horace Vernet, A. de Neuville, Ary Scheffer, Berlioz, Henri Heine, Stendhal, Alfred de Vigny, les frères Goncourt et Emile Zola. Ces illustres défunts n’y sont pas enfermés entre deux murailles grises comme à Westminster… Ils ont au-dessus d’eux le grand ciel bleu, l’immensité.

Ceux qui trouvent que la vue d’un cimetière a quelque chose de triste sont, à mon avis, des gens primitifs qui ne comprennent rien, dont l’esprit obtus est incapable de penser… et de se souvenir.

Chaque jour, je faisais une longue promenade dans les rues qui montent vers le Sacré-Cœur, espérant enfin rencontrer Édith… Mais les jours succédaient aux jours, et je commençais à croire que, décidément, ma maîtresse n’avait pu se résoudre à quitter l’Angleterre. Ainsi, elle m’avait trompé, l’astucieuse créature ! Ses pleurs, ses serments, tout cela c’était du « chiqué », comme on dit en France, et je rageais d’avoir, dans toute cette affaire, joué le rôle de M. Jobard.