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retiré des affaires

m’avaient l’air d’affreux rastas et une dame très maquillée. Me rappelant la petite aventure qui m’était arrivée avec Manzana dans le train du Havre, je me gardai bien d’engager la conversation avec ces voyageurs. Dès que nous eûmes dépassé la frontière, les deux messieurs s’endormirent, et la dame se mit à lire un roman français… À Bayonne, ils descendirent, et je demeurai seul jusqu’à Bordeaux. Là montèrent trois gentlemen, qui, durant tout le trajet, ne parlèrent que des Balkans et de la question d’Orient. L’un d’eux, ainsi que je l’appris en écoutant leur conversation, était un ministre français, un petit barbu à binocle, dont j’ai oublié le nom. Les deux autres devaient être des députés. Avec de tels compagnons, je me sentais en sûreté. Je ne dormis point cependant, et quand on annonça le premier service du restaurant, je demeurai dans mon wagon.

Dieu ! que le voyage me parut long. Il me semblait que jamais je n’atteindrais Paris… Enfin, le train s’arrêta. Nous étions à la gare d’Orsay.

J’arrêtai une chambre au Terminus et me fis servir à dîner, après avoir remis dans mes deux serviettes de maroquin mes précieuses bank-notes.

Paris comptait un millionnaire de plus !

 

Le lendemain, je pris un taxi, me fis conduire dans quatre banques, où j’effectuai le dépôt de ma fortune, et à midi j’étais enfin tranquille J’avais gardé sur moi une centaine de livres.

Pour la première fois, depuis longtemps, je commençai à respirer. Je fis une promenade à pied, aux Champs-Élysées, déjeunai dans un grand restaurant, et me dirigeai ensuite vers Montmartre.

On se rappelle que j’avais recommandé à Édith de s’installer dans notre ancien quartier. J’espérais que peut-être le hasard me la ferait rencontrer, mais j’eus beau parcourir toutes les rues de la Butte, je ne l’aperçus point… Était-elle à Paris ?… Bien qu’elle m’eût pro-