Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/408

Cette page a été validée par deux contributeurs.
408
mémoires d’un cambrioleur

la France. J’avais pour cela deux raisons que l’on connaîtra bientôt.

Depuis que je pouvais montrer des papiers, j’avais repris confiance, mais ce que je pouvais montrer plus difficilement, c’étaient mes bank-notes.

Les déposer dans une banque espagnole, il n’y fallait pas songer. D’autre part, les emporter dans ma valise, c’était bien compromettant. Il est vrai que j’étais maintenant sujet américain, et que les Américains passent à tort ou à raison pour des originaux, mais vraiment, c’était pousser l’originalité un peu loin que de voyager avec cent cinquante mille livres dans une valise !

À Hendaye, on visite les bagages, et les douaniers qui ouvriraient ma valise ne manqueraient pas de prévenir le commissaire spécial de service à la gare. Ces douaniers ont beau voir beaucoup de choses, dont ils ne s’étonnent pas, ils éprouveraient certainement quelque surprise en découvrant mon trésor… Un homme qui voyage sans le sou est toujours suspect, mais celui qui a trop d’argent sur lui ne l’est pas moins.

Je pris le parti de bourrer mes poches de bank-notes et d’en loger la plus grande partie dans la doublure de mon pardessus. J’allai donc chercher mes serviettes à la Banco de España, et de retour à l’hôtel, après avoir eu soin de boucher avec une cigarette le trou de la serrure, je procédai à mon « matelassage ». Ce travail accompli, je me regardai dans l’armoire à glace, en tenant mon pardessus sous le bras, et certain que je pouvais circuler dans les rues sans me faire remarquer, je réglai ma note d’hôtel, hélai un cocher, et me fis conduire à la gare… Ce jour-là, c’était course de taureaux à Saint-Sébastien, et ma voiture se fraya difficilement un chemin à travers la foule qui se dirigeait vers la plazza. Enfin, j’arrivai à la station de chemin de fer… Un quart d’heure après, j’étais confortablement installé dans un wagon de première, et bientôt, je filais vers la France.

Il y avait dans mon compartiment deux messieurs qui