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mémoires d’un cambrioleur

et c’était la première fois aussi que je me trouvais face à face avec un de mes « fournisseurs » habituels.

On a beau avoir du sang-froid, ces coups imprévus vous coupent bras et jambes.

— Oui, un maladroit… reprit l’homme brun avec un haussement d’épaules… on prend ses informations, que diable ! et l’on ne vient pas stupidement se jeter dans la gueule du loup…

Ne sachant que répondre, je répétais machinalement le nom de M. Bénoni…

— Qu’est-ce que vous me chantez avec votre Bénoni ?… est-ce que je le connais, moi, votre Bénoni ?… vous cherchez une défaite, mais ça ne prend pas… vous savez… Vous êtes ici chez le comte Melchior de Manzana, attaché d’ambassade…

— Cependant… fis-je avec un peu plus d’assurance, c’est bien ici le troisième étage ?

— Mais non… idiot… c’est le deuxième… vous n’avez donc pas remarqué qu’il y a un entresol… Faut-il que vous soyez bouché, tout de même… Et vous vous livrez au cambriolage !… c’est probablement la première fois que vous opérez ?…

— Oui… c’est la première fois, avouai-je humblement, dans l’espoir d’attendrir l’homme au revolver…

— Vous n’aurez pas de sitôt l’envie de recommencer, prononça-t-il sèchement, car je vais incontinent vous remettre entre les mains des sergents de ville…

— Oh ! je vous en supplie… ne faites pas cela… ayez pitié de moi… je ne vous ai, en somme, causé aucun préjudice… et puis, j’ai une circonstance atténuante… ce n’est pas chez vous que je venais… il y a erreur.

— Vous êtes bon, vous, avec vos erreurs… Ah ! vous prenez gaîment les choses ! Vous vous introduisez chez les gens dans l’intention de mettre à sac leur appartement et quand vous tombez sur quelqu’un qui ne veut pas se laisser faire vous vous excusez, en disant : « Pardon… il y a erreur… » C’est commode cela… oui, très com-