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mémoires d’un cambrioleur

comme soutier… J’avais une idée (on a pu remarquer que j’ai quelquefois des idées, et je crois que j’aurais pu faire un romancier). Or, cette idée, qui n’avait rien de génial, devait, si elle réussissait, me conduire enfin au port où je ferais ma dernière escale.

Après avoir arrêté une chambre dans un hôtel espagnol tenu par un Bavarois, je fis emplette d’une belle valise en cuir, munie de solides serrures. Je rentrai à l’hôtel, mis mes bank-notes dans la valise, gardai celle-ci à la main, bien entendu, et me rendis dans divers magasins. J’achetai un veston gris à martingale avec plis dans le dos, une culotte bouffante, des bas de laine écossais, des souliers jaunes à larges semelles, une casquette de drap, un gilet en poil de chameau, des chemises de flanelle, et un manteau imperméable.

Mes emplettes terminées, je réintégrai ma « cuarto », me débarbouillai, et revêtis mon complet de touriste.

Au restaurant où j’allai ensuite (toujours avec ma valise), je fis la connaissance d’un pasteur anglais, qui était venu aux Canaries rendre visite à un de ses parents.

Ce révérend, qui était fort bavard, devint bientôt mon ami. Il m’apprit qu’il partait le lendemain pour Cadix. De là, il se rendrait à Madrid, pour assister à une course de taureaux ; ensuite, il regagnerait l’Angleterre en traversant la France qu’il ne connaissait pas, et dont les nombreuses attractions excitaient sa curiosité.

La compagnie de ce pasteur m’était précieuse. Il ne me manquait plus que des papiers, car je ne pouvais songer à utiliser ceux que j’avais dérobés à Jim Corbett…

Je me les procurai assez facilement.

Il y avait à côté de nous, à table, un gros Anglais qui buvait portos sur portos et qui ne tarda pas à être complètement ivre. Le pasteur et moi le reconduisîmes à son hôtel, et je ne manquai pas, durant le trajet, d’explorer les poches de ce brave compatriote. J’étais maintenant « nanti » et je pouvais présenter aux agents de police et