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mémoires d’un cambrioleur

moment à la pitié, je ne saurais le faire au détriment de ma dignité… et ternir, par un acte indélicat, toute une vie d’honneur et de droiture. Les fonctions que j’exerce me mettent parfois dans des situations bien pénibles, et il me faut souvent une réelle volonté pour les remplir. Cependant, si je suis impitoyable quand je me trouve en présence de bandits professionnels, je sais aussi faire preuve d’indulgence à l’égard des malheureux qui, dans une heure d’égarement, ont commis une lourde faute…

M. et Mme Stone me regardaient, anxieux.

— Je vous remercie avec reconnaissance, dit Stone, en s’inclinant.

Il ignorait où je voulais en venir, mais il avait quand même repris confiance.

— Oui, monsieur Dickson… nous vous remercions du fond du cœur, ajouta la femme d’une voix sanglotante.

Je conservais toujours un air grave, l’air qui sied à l’homme de police obligé d’accomplir une pénible mission.

— Je dois, repris-je, après avoir réfléchi un instant, prendre avant tout les intérêts de ceux dont je suis le représentant… Or, ici, je représente la Banque d’Angleterre… Elle a été lésée… Deux cent mille livres manquent dans ses caisses… Vous me direz qu’elle est assez riche pour supporter une pareille perte, mais si l’on raisonnait ainsi, où irions-nous ? grand Dieu !… Du moment que la Banque rentrera dans son argent, elle devra s’estimer satisfaite, mais la sanction sur laquelle elle compte pour inspirer à ceux qui seraient tentés de vous imiter une crainte que j’appellerai salutaire… cette sanction lui échappera. Il faut que vous disparaissiez à jamais…

Stone roulait des yeux égarés.

Je ménageais mes effets, comme l’avait fait avec moi Allan Dickson, et je crois que si le grand détective avait pu me voir et m’entendre, il n’eût rien trouvé à reprendre à ma façon de procéder. La leçon qu’il m’avait donnée