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mémoires d’un cambrioleur

la poche de ma vareuse, et regagnai aussitôt la coursive. Il était temps. Déjà l’escalier du panneau avant craquait sous l’énorme poids de Cardiff.

J’allai retrouver Zanzibar, qui était en train de préparer le déjeuner de l’équipage… et celui de M. et Mme Pickmann.

— Ah ! ti voilà, s’écria le nègre, ti sais, nous partir midi…

— Comment cela ? m’écriai-je… De qui tiens-tu ce renseignement ?

— De missié Cardiff… Li a dit faire déjeuner pour dix heures et demie…

Je regardai l’heure au coucou de notre cabine. Il était neuf heures vingt. Je m’habillai à la hâte, car j’étais encore en tenue de corvée, puis, quand je fus prêt, je pris un flacon de rhum, remplis deux petits gobelets d’étain que je pris sur une étagère, et dis à Zanzibar :

— À ta santé ! mon vieux…

— À la tienne ! missié Colombo, répondit le brave nègre en me regardant avec étonnement… Ti bois beaucoup de rhum aujourd’hui !

— Oui, Zanzibar… car je me sens un peu malade, et j’ai besoin de me redonner du cran… beaucoup de cran…

Nous trinquâmes. Zanzibar vida son gobelet d’un trait, le reposa sur la planchette placée à côté du fourneau, et me regarda longuement. On eût dit que le pauvre garçon devinait que j’allais le quitter…

— Ti tout drôle, missié Colombo, me dit-il… ti devrais ti couchi un peu…

Il était maintenant neuf heures et demie. Je m’assurai que mon revolver était toujours dans ma poche, tirai de mon carnet une carte que j’avais précieusement conservée, sans me douter qu’un jour elle me serait si utile, et je m’engageai dans le couloir cloisonné conduisant au logement de M. et Mme Pickmann.