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retiré des affaires

relancer dans l’aventure, et Dieu seul savait comment tout cela finirait.

Vers le matin, je m’assoupis, et dormis une heure environ, mais quand je m’éveillai (j’ai toujours eu le réveil triste), je vis tout en noir… Je n’avais plus aucune confiance en moi, et une crainte que le raisonnement n’arrivait pas à vaincre me revenait continuellement à l’esprit.

Je me levai, et après avoir bu un thé fortement additionné d’alcool, je retrouvai un peu d’énergie.

— Ti pas bien gai ci matin, me dit le brave Zanzibar… Ti pas content quitti Santa-Cruz… Ti malade, peut-être ?

— Non… mais j’ai mal dormi.

— Mi trop ronfli, s’pas ? Ti fallait siffli, si ronflais trop fort…

Le bon Zanzibar avait une mine piteuse, mais sa gaîté naturelle reprit bien vite le dessus, et il s’efforça, par mille contorsions grotesques, de me dérider un peu.

Je m’étais attaché à ce brave garçon, et cela me faisait de la peine de l’abandonner. J’eus un moment l’idée de l’emmener avec moi, mais j’y renonçai… Seul, j’aurais sans doute bien du mal à me tirer d’affaire, mais avec un nègre pour compagnon, je risquais de compromettre ma manière qui est, on le sait, de « passer inaperçu ».

Pendant deux heures, j’errai comme une âme en peine dans la coursive d’entrepont, puis, profitant d’un moment où les hommes étaient réunis en haut pour l’appareillage, je me glissai dans le gaillard d’avant. Il y avait là une dizaine de hamacs roulés sur leurs garcettes, et, en face de ces hamacs, le long de la cloison, des boîtes de bois noir portant toutes une étiquette, et dans lesquelles les matelots serraient leurs effets de petit équipement et leurs papiers.

Sur l’une de ces étiquettes, je lus un nom : Jim Corbett. J’ouvris la boîte qui était simplement fermée au moyen d’une petite lanière de cuir passée dans deux pitons, m’emparai des papiers de Corbett, que je mis vivement dans