Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.
369
retiré des affaires

Mais n’anticipons pas… J’estime que lorsque l’on écrit ses mémoires, on doit classer par ordre tous les événements qu’on y relate, et donner à chacun l’importance et la place qu’il convient. J’ai lu beaucoup de mémoires, dans ma vie les Confessions du grand Jean-Jacques, les Mémoires du Chevalier de Grammont, ceux de Chateaubriand et de l’inimitable Berlioz, mais tout en admirant ces chefs-d’œuvre, je trouve que leurs auteurs, et M. de Chateaubriand surtout, ont trop insisté sur certains détails, qui eussent certainement gagné à être un peu écourtés… Je ne doute pas que cette appréciation d’un cambrioleur ne fasse sourire certains critiques, mais chacun juge à sa façon… avec son bon sens. Ce que j’apprécie surtout dans les mémoires, c’est la franchise. Or, à part Rousseau qui a tout avoué (même les choses les plus schocking) je suis obligé de reconnaître que les autres mémorialistes se sont un peu trop flattés, et n’ont pas hésité à allonger leur récit, pour nous faire mieux savourer les beautés de leur éloquence, et les brillantes qualités dont les avait doués la nature.

Je n’ai point l’outrecuidance de me comparer à ces maîtres, mais j’ai le mérite de ne rien celer de mes défauts et de ne point me regarder dans un miroir avec trop de complaisance. Je dis ce qui est, un peu brutalement parfois, et ne me fais jamais meilleur que je ne suis ; j’ai le malheur d’être un triste individu et j’ai le courage de l’avouer.

Combien consentiraient à en faire autant ?… Qu’on me pardonne encore cette petite digression, mais elle était, je crois, nécessaire, ne serait-ce que pour rappeler à mes lecteurs qu’Edgar Pipe leur livre sa vie, tout entière, comme à des juges impartiaux. Puisse l’aveu que je fais de mes fautes me valoir quelque pitié de la part de ceux qui n’ont jamais cessé de suivre la belle ligne droite de l’honnêteté, et que l’amour du travail a préservés des « écarts » dont je me repens aujourd’hui…

Le Sea-Gull, sous son grand foc et sa voile d’artimon,