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mémoires d’un cambrioleur

sonnage. À présent, je le tenais. Avant huit jours, il serait à ma merci.

Le lendemain, quand je servis le déjeuner de mes deux « amis », je remarquai qu’ils étaient très pâles. C’est à peine s’ils touchèrent aux plats que je leur présentai… Eux qui d’ordinaire étaient si loquaces demeurèrent muets pendant tout le repas.

— Que vous est-il donc arrivé ? demandai-je, vous êtes tout drôles aujourd’hui ?…

Pickmann jeta un coup d’œil à sa femme, puis répondit, en s’efforçant de sourire :

— Nous avons mal reposé, cette nuit ! la mer était un peu dure et nous avons encore le cœur tout barbouillé !

— Ce ne sera rien, dis-je en regardant fixement Pickmann… Allez vous étendre au grand air, là-haut, sur le pont, et vous verrez que, dans une heure, vous ne ressentirez plus rien… Voulez-vous que j’aille vous préparer vos rockings-chairs ?

— Non, c’est inutile, je vous remercie.

— Vous avez tort… l’air vous ferait du bien…

Pickmann ne voulut rien entendre… Il était bien décidé à rester dans sa cabine.

— Ce sera comme vous voudrez, lui dis-je… en tout cas, si vous avez besoin de quelque chose, je suis à votre disposition… vous n’aurez qu’à me sonner…

Et je fis un pas vers la porte.

— Non… ne vous en allez pas, Colombo, s’écria Pickmann… restez…

Mme Pickmann avait regagné sa chambre.

Son mari s’était étendu sur le sopha du salon et s’efforçait de fumer un cigare qu’il rallumait à chaque instant. Pour m’occuper, je frottais avec un chiffon de laine les meubles en acajou qui garnissaient la pièce.

Tout à coup, Pickmann se leva, fit quelques pas de long en large, puis vint se planter devant moi. Il voulait me demander quelque chose, cela était visible ; pourtant, il hésitait.