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V

une surprise à laquelle je ne m’attendais pas

Il était urgent que je me livrasse à une petite enquête sur ce Bénoni qui me paraissait « bon à faire », comme nous disons en argot de métier.

Je me rendis donc boulevard de Courcelles, interrogeai habilement la concierge, et ne tardai pas à acquérir la conviction que mes prévisions étaient à peu près exactes. Le père Bénoni était un antiquaire. On le disait fort riche, mais un peu « piqué » et ses distractions étaient légendaires. C’est ainsi qu’il lui arrivait souvent de sortir sans chapeau, d’oublier son pardessus, ou de laisser un chauffeur de taxi se morfondre des heures devant une porte. Un homme aussi étourdi était certainement peu ordonné ; chez lui, tout devait être en vrac, comme chez les brocanteurs. Le père Bénoni vivait seul avec un vieux domestique, un ivrogne fieffé qui faisait, durant l’absence de son maître, de fréquentes visites à un marchand de vins établi au coin du boulevard et de la rue Desrenaudes.

Je ne tardai pas à lier connaissance avec ce domestique, qui se nommait Alcide, et, au bout de vingt-quatre heures, nous étions les meilleurs amis du monde. J’offris force tournées, il bavarda et je fus bientôt aussi renseigné que lui sur les habitudes et les manies du père Bénoni.

— Le vieux, me dit Alcide, est la crème des patrons… jamais un reproche… et le ménage n’est pas dur à faire… un coup de balai de temps en temps, quelques coups de plumeau par-ci par-là et c’est tout… Avec ça de la liberté, autant qu’on en veut, car Monsieur sort souvent… sur-