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retiré des affaires

régions lointaines et s’il n’avait pas eu le malheur de rencontrer Edgar Pipe sur sa route, son bonheur était assuré.

Malheureusement, il avait rencontré Edgar Pipe, comme Edgar Pipe lui-même avait rencontré Manzana ! Ce qui prouve que l’on n’est jamais complètement heureux et qu’il faut toujours que, dans la vie, on trouve un caillou sur son chemin.

Je me sentais tout joyeux et je me mis à chanter.

Zanzibar qui m’entendit sortit aussitôt de sa cuisine et me dit avec un large sourire qui découvrait ses dents blanches :

— Ti, content, Missié Colombo… ti chanti, je crois… Veux-tu faire misique ?…

— Si je le veux, mais certainement, mon bon Zanzibar… Tu es un ami, toi… je ne puis rien te refuser…

— Oh ! ti bi gentil, Colombo… ti bi bon pour pauvre nègre…

— Et je serai meilleur encore, mon ami, sois-en persuadé…

— Oh ! s’écria le noir enthousiasmé, ti pas un homme, Colombo… ti le bon Dieu, pour sûr !…

Zanzibar prit sur une étagère les deux boîtes à cigares, me tendit la mienne et nous commençâmes à jouer sur ces cithares improvisées qui rendaient un petit son aigre d’épinette.

Nous jouâmes une heure, nous jouâmes deux heures et je crois bien que nous ne nous serions pas arrêtés, si je ne m’étais aperçu que c’était l’heure du dîner et que M. et Mme Pickmann devaient attendre leur repas.

Zanzibar remisa, bien à regret, les deux boîtes à cigares et s’occupa de sa cuisine. Ce jour-là, les plats que je servis à mes « amis » étaient plutôt étranges, mais le grand air leur avait donné de l’appétit et ils ingurgitèrent sans broncher les ragoûts innommables de Zanzibar.

Après le dîner, ils me retinrent, comme d’habitude, pour faire la partie, et nous parlâmes surtout des ports