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retiré des affaires

Heureusement M. et Mme Pickmann, comme tous les gens habitués aux tristes nourritures de Soho Square, n’étaient pas difficiles. Ils mangeaient comme quatre, buvaient comme six et se déclaraient satisfaits du régime du bord. Moi qui étais plus délicat, je préparais mes plats moi-même, au grand désespoir de ce pauvre Zanzibar qui multipliait ses mélanges, persuadé qu’un jour ou l’autre, je finirais bien par le féliciter sur sa cuisine.

Brave Zanzibar ! c’était un bon celui-là et il s’était sincèrement attaché à moi. Il n’y a que dans ces cœurs simples que l’on trouve une réelle affection. Il était aux petits soins pour moi et s’ingéniait à m’être agréable.

C’était le seul être que je fréquentasse à bord hormis M. et Mme Pickmann, bien entendu.

D’ailleurs, je ne me trouvais point en contact avec les hommes de l’équipage, car je ne couchais même plus dans mon hamac. J’occupais avec Zanzibar une cabine d’entrepont où il y avait deux lits — deux cadres plutôt. Le capitaine avait bien fait quelques difficultés avant de m’autoriser à prendre un de ces lits qui était celui du steward, mais enfin, il y avait consenti en maugréant. Master Ross n’ignorait point que j’étais au mieux avec ses deux passagers et, bien que cela lui déplût souverainement, il avait assez d’esprit pour ne rien laisser paraître de sa mauvaise humeur.

Un jour, cependant, il me fit appeler et me dit :

— J’ai remarqué que M. et Mme Pickmann vous traitent, non pas en domestique, mais en ami. Vous êtes un roublard, vous avez su les empaumer… Moi, je m’en fiche… du moment qu’ils sont satisfaits de vous, je n’ai rien à dire… Cependant, puisqu’ils vous ont pris tout à fait à leur service, il est assez naturel qu’ils vous paient… Arrangez-vous avec eux comme vous l’entendrez, mais moi, je vous supprime votre solde.

— C’est bien, dis-je, je m’entendrai avec eux…

Je me gardai, bien entendu, de rapporter cette conversation à mes amis… D’ailleurs, je m’en moquais de