Page:Galopin - Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires, 1922.pdf/340

Cette page a été validée par deux contributeurs.
340
mémoires d’un cambrioleur

tude, et Mme Pickmann, remarquant mon air soucieux, me demanda avec intérêt :

— Qu’avez-vous donc, mon bon Colombo, vous serait-il arrivé quelque chose ?

— Non… répondis-je… non… rien du tout…

— Mais vous paraissez préoccupé ?

— En effet… il y a en ce moment de vilains nuages à l’horizon.

— Grand Dieu !… allons-nous avoir une tempête ?

— Non… il ne s’agit pas de cela. Demeurez dans votre cabine… N’en bougez pas surtout avant que je revienne…

Et je sortis, laissant mes deux oiseaux dans les transes.

Suivant ma tactique habituelle, je graduais savamment mes effets, sachant par expérience que c’est le meilleur moyen d’affoler ceux que l’on veut perdre.

Au bout d’une heure, je reparus, complètement rasséréné.

— Tout va bien, maintenant, dis-je d’un ton joyeux…

— Que s’est-il donc passé, mon bon Colombo ? demanda Mme Pickmann…

— Oh ! rien, répondis-je, mais j’ai craint un moment que nous n’ayons une visite… Une chaloupe à vapeur venait droit sur nous… Il paraît que ceux qui la montaient se sont contentés des signaux que leur a faits le capitaine car ils ont immédiatement viré de bord… Puissions-nous être aussi heureux une autre fois…

M. et Mme Pickmann étaient maintenant tranquillisés… Ils se mirent à table et firent honneur au repas que je leur servis.

Certes, ces repas étaient loin d’être succulents !… Ils étaient, comme on sait, préparés par Zanzibar, et le brave nègre nous confectionnait des plats qui eussent sans doute flatté le palais des Canaques mais qui n’avaient rien pour flatter celui des Européens… C’étaient toujours des salmis épicés, pimentés, où dominait un affreux goût de cannelle et de clou de girofle…