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retiré des affaires

M. et Mme Pickmann ne me quittaient pas des yeux, attendant avec une visible inquiétude les paroles que j’allais prononcer.

— Ma foi, dis-je enfin, la question est très embarrassante, et j’avoue…

— Voyons, voyons ! cherchez bien, supplia Mme Pickmann, vous êtes un homme de ressource et je suis sûre que vous allez trouver quelque chose…

Je demeurai silencieux pendant quelques secondes, puis laissai tomber ces mots :

— Il y aurait peut-être un moyen de tout arranger, mais il faut que je m’informe… Patientez un jour ou deux… surtout ne consultez pas le capitaine.

— Nous ne lui dirons rien, répondit Mme Pickmann, d’ailleurs, il me déplaît souverainement ce bonhomme-là…

— Bien… fiez-vous à moi…

Pickmann me prit les mains et me dit d’une voix qui tremblait un peu :

— Écoutez, Colombo…, il y a mille livres pour vous, si vous arrivez à nous éviter les formalités du débarquement…

Je pris un air indigné :

— Je ne fais jamais payer mes services, quand il s’agit d’obliger des amis… Vous êtes de braves gens, vous avez eu pour moi trop de bontés pour que j’accepte quoi que ce soit… Je ne suis qu’un simple marin, mais j’ai du cœur… et quand je me dévoue, c’est sans arrière-pensée…

M. et Mme Pickmann étaient ébahis. Jamais ils ne se seraient attendus, c’est certain, à rencontrer tant de désintéressement chez un vulgaire matelot…

Ils me serrèrent les mains avec effusion, les larmes aux yeux, en me comblant de bénédictions.

Les deux nigauds étaient pris au piège et j’étais, maintenant, le maître de la situation.

À quelques jours de là, au moment où nous approchions des Canaries, je simulai tout à coup une vive inquié-