— Vous avez probablement fait un héritage ? interrogeai-je, tout en battant les cartes…
— Oui… répondit M. Pickmann… oui, nous avons eu la chance de faire un héritage… Une vieille tante que nous voyions rarement nous a laissé sa fortune…
— Et une jolie fortune, allez, s’écria Mme Pickmann c’est à n’y pas croire…
— Tous mes compliments, dis-je… Il y a bien des gens qui voudraient être à votre place… mais comment se fait-il qu’au lieu de manger cette belle fortune à Londres, vous alliez vous fixer à l’étranger ?…
Cette question parut embarrasser beaucoup Mme Pickmann, aussi laissa-t-elle son mari répondre.
— Vous comprenez, dit Pickmann qui ne manquait pas d’esprit d’à-propos, à Londres, beaucoup de gens nous ont connus pauvres… Il nous serait bien difficile, du jour au lendemain, de faire figure dans la haute société… tandis qu’à l’étranger…
— Oui… vous avez raison… mais cela ne vous ennuie pas un peu de quitter l’Angleterre ?
— Certes. Mais nous y reviendrons dans quelques années…
— Pour l’instant, vous allez aux Indes ?
— Non, à Madagascar…
— Tiens, quelle idée !
— Ah ! tu vois, dit Mme Pickmann en regardant son mari, Colombo est de mon avis… Il trouve étonnant que nous allions à Madagascar, dans un pays de sauvages…
— J’ai mes raisons pour aller à Madagascar… répliqua sèchement Pickmann… c’est une île ravissante, le climat y est très sain…
— Hum !… fis-je.
— Vous connaissez Madagascar ?
— Oh très bien, mentis-je avec aplomb.
— Ah ! vraiment ! s’écria Mme Pickmann vivement intéressée… donnez-nous donc quelques détails, alors ?… mon petit Colombo…