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mémoires d’un cambrioleur

— Mi, Zanzibar… mais pas vrai… mi pas Zanzibar… Mi Batouala.

Nous nous serrâmes la main et Zanzibar, pour fêter ma bienvenue, déboucha une fiole de rhum.

Au bout de quelques jours nous étions les meilleurs amis du monde et nous passions notre temps à nous raconter des histoires et à jouer de l’ocarina. J’avais autrefois pratiqué cet instrument stupide et j’en jouais assez bien, mais pour Zanzibar j’étais un artiste.

Quand je voulais le charmer, je lui disais de chanter sa mélodie et je l’accompagnais à la tierce.

Alors, il ne se tenait plus de joie et nous recommencions vingt fois de suite le même air. Cependant, ce concert déplut aux passagers mystérieux dont l’appartement se trouvait situé au bout de la coursive d’entrepont. Ils se plaignirent au capitaine et celui-ci, non content de confisquer l’ocarina, fit donner vingt-cinq coups de corde à Zanzibar.

Je revois encore le malheureux garçon quand il revint à sa cuisine après avoir subi ce châtiment barbare. Il avait les épaules et le dos zébrés de grandes raies bleuâtres et souffrait atrocement. Je le pansai du mieux que je pus et m’efforçai de le consoler.

Pauvre Zanzibar !

Ce qui l’affectait surtout, c’était d’être privé de son ocarina.

Je promis de lui confectionner un instrument plus harmonieux, et il fallut qu’immédiatement je me misse au travail.

Avec une boîte à cigares, sur laquelle je tendis des fils de fer de diverses grosseurs, je fabriquai une sorte de cithare d’une sonorité parfaite. J’en fis aussi une pour moi et nous reprîmes enfin nos duos que personne, cette fois, ne vint interrompre, car le bruit ne parvenait point jusqu’aux oreilles des passagers.

À quelques jours de là le matelot qui remplissait les fonctions de steward s’étant cassé le bras en tombant dans