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retiré des affaires

un de ces menus cambriolages qui sont parfois plus dangereux que les grands.

Je risquais non seulement de me faire arrêter, mais encore de perdre à jamais le diamant que j’avais eu tant de peine à acquérir.

Tout en roulant dans mon esprit ces peu rassurantes pensées, je consultais un petit carnet sur lequel j’avais noté, depuis mon arrivée à Paris, les différents « coups » qui pouvaient être tentés, soit chez des industriels, soit chez des rentiers, et offraient à l’ « opérateur » le moins de risques possible.

Nous autres, cambrioleurs, nous sommes généralement mieux renseignés qu’on ne le croit. Un bavardage, une note parue dans les journaux, un petit entrefilet de rien du tout, nous sont parfois de précieuses indications. Un exemple entre cent. J’avais lu, quelques jours auparavant, dans un grand journal du matin, qu’un sieur Bénoni, rentier, demeurant 210, boulevard de Courcelles, avait oublié dans un taxi une sacoche contenant soixante-douze mille francs en billets de banque et que le chauffeur, un honnête Auvergnat, était venu lui rapporter cette sacoche.

Ce simple fait divers avait retenu mon attention. Je l’avais découpé et collé dans mon « diary  ». Je ne pensais pas, à cette minute, utiliser le renseignement, car j’avais un autre projet en tête et ne m’embarrassais point de semblables vétilles, mais aujourd’hui que la petite canaillerie d’Édith me forçait à « remettre la main à la pâte » et à travailler de nouveau dans le « demi-gros », je me mis à étudier l’affaire Bénoni.

Il me parut que ce rentier qui se promenait avec une sacoche contenant soixante-douze mille francs devait être pour un cambrioleur un excellent gibier, et en procédant par déduction, j’en arrivai à établir assez exactement — du moins à mon avis — le cas psychologique du sieur Bénoni. C’était à coup sûr un homme qui brassait de grosses affaires, achetait comptant et vendait de même, puisqu’il avait sur lui de l’argent liquide. Il devait faire