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retiré des affaires

n’eût pas entendus sans rougir, il parut se calmer un peu…

— C’est bien, dit-il… cela m’apprendra à engager un matelot sans lui faire faire un petit voyage dans les vergues… Je vous avais promis vingt-cinq livres pour la traversée… je vous diminue de moitié… et dorénavant, au lieu de grimper dans la mâture, vous resterez à la cuisine, avec le maître-cook… Vous savez éplucher les oignons et les pommes de terre, je suppose ?… Allez, rompez, et que je ne vous voie plus… descendez trouver Zanzibar et dites-lui de ma part que, comme vous étiez trop bête pour faire un gabier, je vous ai nommé laveur de vaisselle…

Je saluai et sortis, affectant d’être navré de ma disgrâce, mais très heureux, au fond, de ce changement de situation… J’étais maintenant certain de ne pas me rompre le cou en tombant des hunes.

Je m’engageai dans le petit escalier à pente roide qui conduisait à la cuisine et, cinq minutes après, je me présentais à M. Zanzibar, un nègre du plus beau noir dont la peau humide luisait comme celle d’un phoque sortant de l’onde.

Lorsque j’entrai, Zanzibar était en train de moduler sur un énorme ocarina de métal blanc une mélodie tropicale. Tout en jouant, il remuait la tête, roulait de gros yeux blancs et, de ses pieds nus, frappait le sol en cadence. Dès qu’il me vit, il ôta l’ocarina de ses lèvres et demanda :

— Qui tu veux-ti, missié ?

À défaut de lettre d’introduction, je lui exposai de vive voix le but de ma visite.

Il m’écouta en souriant, puis, quand j’eus terminé :

— Mi, bi content, dit-il… Oui bi content d’avoir camarade… Triste ici !… Tous deux nous rigoli, nous joui ocarina, pi dansi… Comment ti t’appelles ?

— Colombo, répondis-je (on se rappelle que c’était le nom que m’avait donné le capitaine).